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Entretien n°1

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Paola/Paulette Porta

fille d'immigrés piémontais et ligures et aujourd'hui professeur d'italien

1. Qu'est ce que tes parents t'ont transmis de leur culture italienne? Par exemple est ce qu’ils te parlaient italien à la maison ?

 

   Mes parents parlaient le dialecte entre eux mais m’ont toujours parlé français. Je pense que pour eux, l’intégration passait par la langue ; ils voulaient donc nous parler la langue du pays d’accueil pour ne pas nous perturber. Ma mère parlait bien puisqu’elle est arrivée en France à 12 ans mais mon père parlait…à sa façon. J’ai cru jusqu’à très tard qu’un évier se disait un « lelévier », il avait un français assez approximatif (rires). Mais oui, il y avait une véritable volonté de s’intégrer car ils ont même francisé nos prénoms : ils m’ont appelé «Paulette» qui est le français pour «Paola», ma sœur également est devenue «Anne» le français de «Anna», Anna et Paola étant deux femmes de notre famille.

 

   Ils m’ont tout de même transmis de leur culture italienne : des expressions, des chansons, des plats. Mon père chantait souvent, notamment en dialecte, et nous sortait des expressions typiques. On passait également toutes les vacances à CampoRosso ou au Piémont (la région de mon père). C’est là-bas que j’ai appris la langue, un peu sur le tas, quand je voyais ma famille italienne.

2. Comment tu qualifierais justement leur intégration en France? Est ce qu'ils t'ont déjà parlé de problèmes qui y étaient liés?

   Pour mes parents je ne sais pas mais je dirais qu’ils se trouvaient assez bien à Monaco. Je me rappelle quand même mon côté que les italiens à l’école étaient les « pipi » et les « macaroni ». Je ne suis plus sûre d’avoir subi ses surnoms, la discrimination dont je me rappelle n’était pas due à mes origines italiennes mais était plutôt une discrimination de classe. J’étais dans une école ou étudiaient des enfants assez favorisés et je me rappelle qu’une petite fille m’avait dit « plus tard, tu ne pourras pas sortir comme moi et t’amuser puisque tes parents sont pauvres et ne pourront jamais rien te payer ». Je crois que c’est surtout un mépris de classe que j’ai ressenti.  

 

3. Est-ce qu'ils t’ont transmis des valeurs culturelles que tu dirais spécifiquement italiennes?

   Oui, par exemple dans la cuisine. Mon père faisait la bagna cauda, la polenta, les pâtes à la main, les Cannelloni... En fait, ils ne m’ont rien appris et je n’ai jamais mis la main à la pâte, à part pour éplucher les légumes. Mon père me disait  « pousse toi de la goffa » (pousse toi de la maladroite). Mais inconsciemment, j’ai baigné dans ces saveurs et j’ai eu envie de les refaire ensuite ; aujourd’hui j’aime beaucoup cuisiner justement ces plats de mon enfance.

   Mes parents m’ont surtout transmis la valeur de la famille. Ma mère m’a toujours dit qu’elle aurait aimé avoir plus d’enfants et mon père était réveillé très tôt le matin quand nous étions en vacances dans le Piémont pour aider ses frères. Il a beaucoup aidé sa famille, financièrement notamment. Tous les dimanches également on mangeait en famille avec notre grand-mère, et pourtant mon père et sa belle mère s’entendaient assez mal. On se serrait les coudes, on s’entraidait.

C’est comme ça dans les familles italiennes : on construit par exemple la maison sur plusieurs étages pour accueillir les différentes générations. On était très soudés et la famille était plus resserrée que ce qu’elle est aujourd’hui. Bien sûr, ça avait aussi des côtés négatifs notamment la pression et la dépendance.

   Ce que m'a transmis mon père c'est aussi le rapport à la terre. Il venait d’une famille paysanne et s’est plus tard acheté une campagne à Perinaldo en Ligurie. C’était pour lui une vraie bouffée d’oxygène : il s’occupait de ses arbres fruitiers, plantaient des haricots... C’était très important pour lui de retrouver ses racines paysannes.

 

4. Comment as-tu décidé de devenir professeur d’italien?

 

   J'ai d'abord voulu faire psychologie, puis anglais puis finalement italien donc ce n'était pas mon premier choix, mais j'aimais beaucoup.

   J’avais la possibilité après mes études de travailler en assistante dans une école, je suis donc allée en Calabre. C’est en allant la bas que j’ai eu un véritable déclic : même si l’Italie m’a toujours plu, c’est la ou je suis vraiment tombée amoureuse du pays. Je me suis sentie faire partie de la culture italienne, même si la bas je suis considérée comme française. A y réfléchir je me sens plus italienne que française, c’est une culture qui me parle plus.

 

5. Tu as une fille, qu'est ce que tu as voulu lui transmettre de tout ça?

   Le côté culinaire : ma fille aime la cuisine italienne. Je suis vraiment fière d’avoir réussi ça dans mon éducation : je ne l’ai pas nourri de fast food et je lui ai fait découvrir des choses, l’amour de la bonne cuisine, du produit. Je crois que la cuisine est très importante : l’ouverture culinaire dénote une ouverture culturelle, une ouverture d’esprit et une ouverture à l’autre.

   J’ai essayé de lui apprendre un peu l’italien mais ma fille a toujours eu la crainte de se tromper quand elle parlait le parlait avec moi car je suis prof.

 

6. Tu aimerais rajouter quelque chose?

 

  J’aurais beaucoup à dire, l’interview me fait remonter beaucoup de souvenirs ; je dirais en tout cas que j’ai gardé un attachement très fort à mes racines.

Merci à Paola pour sa participation!

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